Vers les années 1870, le patriarche Ibrahima NDiawagne Ly, soucieux de la sécurité de ses proches et d’un lieu convenable de pâture pour ses animaux, a choisi le site stratégique de Loboudou, à cheval entre le fleuve et l’affluent Diou, sur le lit de la plaine plate de Walleré (Terre fertile).

Loboudou, le coin sacré autant secret a traversé l’espace et le temps, éleveurs et agriculteurs encommunion, vivant en harmonie, avec le système traditionnel d’échanges sous le format du troc. L’éleveur échangeait son lait avec le mil du cultivateur ou le poisson du pécheur, vice versa. Tel était le vécu quotidien des habitants de Loboudou dans l’imbrication des ethnies et l’enchevêtrement des castes d’artisans en milieu foutanquais.

Le village n’a pas échappé à la dure réalité de sècheresses des années 70 80. Le cheptel décimé, le sol asséché et la forêt agressée par la coupe abusive du bois, comme source de survie, L’exode a vidé la localité de ses bras valides et de sa jeunesse, à la recherche d’une vie meilleure, pour aider les proches restés sur place. Si l’abondance a cédé place à la misère, le doute et l’incertitude ont affecté les cœurs, la foi et la solidarité ont soudé les enfants du village. C’est dans les moments difficiles, que les hommes prennent conscience de la faiblesse de leur nature humaine, par enchantement ils s’unissent pour chercher les solutions aux problèmes.

Les habitants du village n’ont pas dérogé à cette règle universelle, ils se sont organisés autant soi peu, pour se réconcilier avec leur environnement, par des actes concrets et spontanés, pour redonner à la nature tous ses droits. Dans l’urgence, ils ont pris l’initiative d’approcher les autorités administratives, pour la mise en place d’une zone réservée et interdite à la coupe du bois, afin de régénérer la ceinture verte de Walleré. Le ministère du développement rural et les volontaires du corps de la paix américain ont su apporter leur touche, pour accompagner et aider cette initiative novatrice et unique en son genre dans le terroir.

Ainsi Loboudou a vécu et survécu aux aléas du destin et à l’usure du temps, mais ses enfants ont compris qu’il n y’a pas de fatalité dans les moments difficiles, l’essentiel c’est de rebondir. Aujourd’hui, le village renait et la nature a repris ses couleurs.

Le village bicentenaire a traversé les âges, et vu naitre des générations, au milieu d’une belle biodiversité où la faune et la flore avaient leur droit.

Dans la profondeur de leur foi islamique, avec l’éducation coranique comme base, les premiers habitants du village ont été réfractaires à l’école française. Néanmoins, certains parents n’ont pas hésité à inscrire leurs enfants dans les écoles de l’intérieur du pays, notamment celle du chef-lieu Dar El Barka.

Et aujourd’hui c’est chose faite car Loboudou à l’instar des autres villages, a sa propre école, qui d’ailleurs est devenue un laboratoire de pratique pour la conservation et la réintroduction des espèces d’arbres en voies de disparition.

Le village se trouve dans la Wilaya de Brakna, le département de Boghé et la commune de Darel Barka. Situé à 450 km de Nouakchott, sur l’axe Rosso – Boghé. Loboudou comme son nom l’indique en poular, est un coin. Un coin situé entre le fleuve et son afluent.

Après les sècheresses cycliques des années 70 et 80, la robe verte de Loboudou est déchirée, sa forêt ravagée, et son cheptel décimé, il fallait une alternative entre survivre ou périr.

L’instinct de survie a prévalu et les habitants de Loboudou ont pris leur destin en main, pour se réconcilier avec la nature, par des opérations de reboisement et de réintroduction de l’espèce Celtis dans son espace naturel. Grace à l’assistance et aux conseils des agents du corps de la paix américain, le combat est lancé. En premier lieu, une clôture factice d’un petit espace, pour régénérer des arbres en phase d’expérimentation. Le résultat est magnifique, le déclic est enclenché, ainsi le ton est donné. Ils s’approchent des bailleurs pour élargir la surface et demander les financements d’une clôture de 18 ha. Le Ministère du Développement Rural et l’Ambassade des USA, répondent positivement et décident de les accompagner, avec en prime une assistance technique des vulgarisateurs agricoles du ministère, et les coopérants du corps de la paix américains.

Les résultats sont encourageants, le directeur de l’école du village mesure l’enjeu du défi à relever. Les membres de la communauté villageoise adhèrent massivement au projet et d’une manière spontanée et volontaire.

En 2004, le jeune directeur visionnaire, se lance un défi pour mettre en place une structure associative dans un cadre légale dénommée Association de Développement Communautaire (ADC). Le parcours du combattant pour légaliser la structure auprès des autorités administrative fut long et laborieux.

En 2006, l’ADC est reconnue officiellement sous le récépissé N° 0354 en date du 3 février, par le Ministère de l’Intérieur et de la Décentralisation.

 

Sur le dos du destin, le rêve vert de la communauté villageoise de Loboudou devient en fin une réalité. Les réticences qui avaient taxé le jeune directeur de fou et d’utopiste, sont revenues à la raison et aux bons sentiments, pour s’engager corps et âme dans le noble et légitime combat.

Par ce travail remarquable, les habitants de cette zone ont inscrit leur terroir sans le savoir, dans le cercle restreint des éco-villages africains, pour en faire le premier dans leur pays.